Babel : Qui sait en septembre tourner la page, sait aussi ouvrir les Portes du voyage

Les rôlistes ont un rapport très particulier avec les livres. Ils aiment les accumuler, les parcourir ; et plus encore, ils aiment se projeter dans les univers qu’ils relatent pour y créer de nouveaux récits. Autant dire que c’est exactement ce que propose Babel !

Babel joue sur cette double nature des Biblionautes, amateurs de livres du monde des Réels, et explorateur des univers Imagés. D’un côté, ils tissent des liens (positifs ou négatifs) avec d’autres amateurs, pour recueillir les Focus qui leur ouvriront les Portes de cette bibliothèque universelle. Et de l’autre, ils cherchent à se glisser discrètement dans ces infinités d’univers, profitant de leur Autorité pour y atteindre leurs objectifs. Mais gare à eux, chacun de ces mondes n’aiment guère que d’autres que l’auteur n’y changent une virgule, et ils n’hésiteront pas à sortir des contre-mesures pour soit se débarrasser des intrus, soit, au contraire, les intégrer … définitivement.

Chaque scénario s’articule autour de ces deux aspects. Dans le Livre 1, les Biblionautes ne sont que des humains presque comme les autres, mais ayant conscience de la nature des livres. Ils y seront confrontés à d’autres Cercles aux intérêts divergents, ou à la maladresse de béotien qui ne voient dans les livres que des piles de papiers. À moins qu’ils ne prennent l’initiative de remonter la trace d’un Unicum perdu, tel un Indiana Jones des bibliothèques, pour sauver l’intégrité du Classement, un monde de livre, ou bien corriger leur influence sur le monde des Réels.

Dans le Livre 2, par contre, ils ont pratiquement le pouvoir d’un démiurge, même s’il est limité par les Focus qu’ils ont pu emporter avec eux. Les univers possibles sont aussi infinis que l’ensemble de la littérature passée, présente, …et à venir. Ils pourront ainsi croiser Gilgamesh, Perceval, le lièvre et la tortue, D’Artagnan, John Carter, Sherlock Holmes, Sam et Frodon, Paul Atréïde, ou les héros et héroïnes des innombrables roman d’aventures, de SF, de fantasy, ou de romance … quant il ne s’agira pas de Dracula, Cthulhu, Pennywise, le Gritche, ou un poète vogon. Mais les uns comme les autres devront être traités avec prudence, sous menace que le livre lui même ne s’oppose aux Biblionautes, comme une matrice qui enverrait ses agents Smith régler le problème.

Et quand ils auront pensé faire le tour de la bibliothèque de Babel, et ses Archivistes indispensables qui savent monnayer leurs services, ils pourront s’apercevoir qu’au delà de ses murs, s’étend Lorem Lipsum, le monde infini d’où semble émerger ceux des livres…

Pour nous aider à faire vivre leurs aventures à ces Biblionautes, Julien Clément a opté pour une absence de caractéristiques chiffrées. Outre une capacité pour le monde du Réel et une seconde pour celui des livres, ils sont représentés par des Traits. Certains, inamovibles, écrits dans le marbre, d’autres, plus nombreux, qui ont la fragilité du papier. Ces derniers peuvent être cachés en tournant la page, chiffonnés, voire totalement détruits le cas échéant. Et il en va de même pour le Livre de la Vie.

C’est une approche originale qui donne à la feuille de personnage un dynamisme unique à ce jeu, qui loin d’être un simple gadget, offre un rapport différent aux atouts des personnages. Elle pousse ces derniers à multiplier les approches plutôt que de toujours se reposer sur les même points forts. Et plus que tout, elle offre une approche organique de l’évolution du personnage, qui gagne et perd des atouts, et parfois en fixe certains dans le marbre.

Car, à l’image des rôlistes, tout en explorant les livres, ces Biblionautes écrivent également leur propre histoire. Sur la base d’un Incipit initial, ils vont, au gré de leur aventures, ajouter les lignes suivantes de leur livre du Destin. Laissant planer le doute sur la nature de ces explorateurs dont le livre s’écrit quelque part sans qu’ils en aient conscience. Un doute d’autant plus important que le jeu propose également d’incarner des Ex Libris, Imaginés échappés de leur livre, et qui se cherchent (ou cachent) dans le monde des Réels.

Au GRoG, alors que depuis 25 ans nous nous efforçons de classer les jeux de rôles de tous les horizons, il n’était pas possible de ne pas souligner cette mise en abîme de notre loisir. C’est donc avec plaisir que ses Archivistes vous invitent à en pousser les Portes.