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L'imagination est plus importante que le savoir (A. Einstein)

Masques de Nyarlathotep (Les)

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Références

Contributeurs

Contenu de l'ouvrage

Matériel

Boîte contenant 8 livrets de 88, 60, 64, 88, 76, 120, 80 et 96 pages à couverture souple, et une boîte d'allumettes.

Description

Par rapport à la précédente édition, cet ouvrage se démarque par une section complète de conseils au gardien sur la mise en scène de la campagne, et pour chaque destination par des ajouts importants sur le contexte de l'époque. Les scénarios proprement dits sont en très grande majorité repris de la précédente édition, avec un agencement des textes retravaillé et des apports, essentiellement des conseils. De plus, ne pas faire les épisodes dans leur ordre de présentation ne pose plus autant de problème que dans les versions précédentes, des scènes finales ayant été ajoutées pour les deux autres grands lieux du cérémonial, au Kenya et en Australie, puisque celui-ci doit se dérouler à une date précise. Il est également à noter que l'ouvrage est plus largement illustré, le plus souvent avec des photos d'époque.

Le Livret 1 Introduction et Annexes Utiles (88 pages) pose le décor de la campagne. Les personnages vont se lancer sur les traces de l'expédiiton Carlyle, disparue au Kenya après un séjour en Egypte, et devoir déjouer une conspiration planétaire visant à amener sur Terre le Grand Ancien Nyarlathotep. Après les pages de titre, des crédits et du sommaire (communes à tous les livrets), l'ouvrage débute par une section consacrée à Nyarlathotep (4 pages) qui reprend la nouvelle éponyme de H.P. Lovecraft. Puis ce dieu est présenté de manière générale et en précisant ses cultes et ses différents avatars. Les chapitres, par la suite et dans tous les livrets, commencent par une photo occupant une double page. La campagne est présentée en 30 pages, avec un résumé de ce qui a amené aux événements qui la constituent, la trame principale, ainsi que de nombreux conseils. Ces derniers portent tant sur les façons de maîtriser la campagne en fonction du ton (pulp, horrifique, etc.) désiré, que sur la manière de créer et gérer une équipe d'investigateurs ou sur les moyens d'impliquer les personnages des joueurs (PJ). Puis des Annexes (38 pages) apportent des informations utiles :

  • une liste d'inspirations, ainsi qu'un état du monde et les événements ayant lieu dans le monde lors de la campagne
  • comment gérer les transports, qu'ils soient maritimes ou aériens, mais également des points plus épineux comme les retraits d'argent, les formalités douanières, les coûts des transports, les phobies de la mer ou des noms et prénoms des différentes cultures rencontrées dans la campagne (kigalis, anglo-saxons, égyptiens, chinois, aborigènes, hindoues), des expressions d'Harlem, kenyanes ou australiennes, et un guide pour parler le Ph'n Glui
  • des règles optionnelles sur la gestion de l'argent et sur le transport de fret
  • le guide de la société Theron Marks, constitué de conseils pour investigateurs et publié dans La Terreur Venue des Etoiles

Enfin, un Index (12 pages) des personnages non-joueurs (PNJ), des plans, des créatures, des ouvrages, des sortilèges, des artefacts, ainsi qu'un trombinoscope de 72 PNJ conclut ce livret.

Le second livret est le Chapitre Américain (60 pages). Il contient le début de la campagne, et commence par présenter la ville de New York en 17 pages. Sont ainsi inclus une présentation générale, tant d'un point de vue historique que géographique ; des informations pratiques et sur les loisirs, visites comprises ; ainsi qu'un focus sur Harlem. Puis Le Culte de la Langue Sanglante occupe 6 pages, avec ses effectifs, ses cérémonies, ses relations avec les autres cultes de Nyarlathotep de la campagne, les lieux principaux où se rencontrent les sectateurs, qui sont décrits caractéristiques à l'appui, et ses réponses aux actions des personnages.
Le scénario (31 pages) est identique à celui de la précédente édition : les personnages vont enquêter sur le meurtre d'une de leurs connaissances, et ainsi s'intéresser à l'expédition Carlyle qui s'est perdue au Kenya, puis trouver quelques pistes pouvant les mener à Londres, au Caire, à Nairobi, en Australie ou à Shangaï. Il s'agit essentiellement d'une aventure d'enquête, même si une confrontation avec les sectateurs et un monstre n'est pas à exclure.

Dans le Livret 3 Chapitre Anglais (64 pages), l'essentiel de l'action se passe à Londres. Comme pour les autres chapitres, le livret débute par une présentation de la ville (19 pages), avec son ambiance, son histoire récente et sa géographie, puis avec des informations sur la vie pratique, les transports et les sorties, et enfin en mettant l'accent sur quelques lieux importants et les différents quartiers. Quelques paragraphes portent aussi sur le comté de l'Essex, où se situe la fin du scénario. La Confrérie du Pharaon Noir (4 pages), le culte local de Nyarlathotep, est ensuite examinée selon le format du premier livret : effectifs, y compris les fiches des membres importants, cérémonies, lieux de rencontre, relations avec les autres cultes et réaction aux investigateurs. Puis le scénario (30 pages) se déroule : une enquête, qui porte entres autres choses sur des meurtres, permet de "visiter" la fondation Penhew, le club de la Pyramide Bleue et un magasin d'épices, le tout probablement sous la surveillance des sbires du culte. Ces pistes conduisent les investigateurs dans une propriété campagnarde pour assister à, voire empêcher, une cérémonie d'invocation de Dieux Extérieurs. Une fausse piste, Le peintre de l'horreur (7 pages), met un scène un homme serpent. Il est à noter que par rapport à la troisième édition, une autre fausse piste, Le Monstre du Derbyshire, a été abandonnée.

Le Chapitre Egyptien (88 pages) reprend la même structure que les deux précédents, à une différence près qui sera retrouvée dans les livrets suivants : le pays, L'Egypte (13 pages), est d'abord présenté avec son contexte politique, sa géographie, son climat, des informations pratiques et les villes d'Alexandrie et de Port Saïd ; puis Le Caire (22 pages) reçoit le traitement désormais standard. Les centres d'intérêt, par contre, y sont plus nombreux : les pyramides de Gizeh, la grande mosquée, le musée du Caire, la citadelle de Saladin et le tombeau de Toutânkhamon. La version égyptienne de La Confrérie du Pharaon Noir est ensuite abordée en 2 pages, puis vient le scénario (46 pages). Dans celui-ci, les investigateurs suivent différentes pistes et apprennent une partie de ce qui s'est passé lors de l'expédition Carlyle. Ils rejoignent une expédition travaillant sur les pyramides et empêchent, peut-être, la résurrection de la reine Nitocris. Le point d'orgue de cet épisode est une rencontre avec Nyarlathotep en personne, lors de laquelle les PJ peuvent glaner de précieux renseignements pour contrecarrer ses plans. Une fausse piste, Le chat Noir (5 pages), montre aux investigateurs que les anciens dieux égyptiens, et le pouvoir des chats, ne sont pas à négliger.

Le Chapitre Kenyan (76 pages) ne déroge pas à l'agencement utilisé dans les précédents livrets. Ainsi, il inclut une présentation du pays et la ville de Nairobi (26 pages), les points mis en exergue étant les tribus kenyanes, la croisière noire lancée par Citroën, et la montagne du vent noir où se déroule le final du scénario. La secte présentée est la branche mère du groupe utilisé dans l'épisode new-yorkais, Le culte de la langue sanglante (4 pages). Le scénario (37 pages) permet aux investigateurs de continuer à suivre les traces de l'expédition Carlyle et les pistes trouvées dans les épisodes précédents. Il les mène à Mombasa, puis à Nairobi, pour finir par une expédition sur la montage du vent noir, où ils peuvent assister à, voire empêcher, deux rituels. Le premier conduit à la naissance du rejeton de Nyarlathothep, entité qui peut très largement aider son géniteur dans ses plans. Le second, qui se produit si la campagne se finit au Kenya, est l'ouverture d'un portail pour laisser venir le dieu. Il faut toutefois aux PJ éviter les centaines voire les milliers de fidèles rassemblés pour l'occasion et mettre en échec de puissants sorciers, dont certains membres de l'expédition disparue. La fausse piste (Le relais de chasse, 6 pages) met en scène une colonie de goules d'enfants.

L'Australie n'était au départ par incluse dans la première édition de cette campagne. Elle fit son apparation par la suite, et est l'objet du sixième livret (120 pages). La partie contextuelle, de 37 pages, est consacrée à la région, mais aussi à ses villes principales et à l'outback, zone désertique peu peuplée. Puis, outre les différentes ethnies et leur croyances, l’Alcheringa, le Temps des rêves des autochtones est longuement traité. Le culte de la chauve-souris des sables (2 pages) est rapidement décrit, avant la suite de la campagne (45 pages). Si l'expédition Carlyle n'est jamais venue sur ce continent, des pistes entrevues précédemment y mènent, et grâce à une partie d'enquête les investigateurs peuvent s'enfoncer dans le désert pour découvrir la cité sous le sable construite par la grande race de Yith. Il peuvent en trouver un représentant, s'ils parviennent à échapper aux nombreux cultistes qui explorent eux aussi cet endroit souterrain. Là encore, une cérémonie pour l'ouverture du portail peut s'y dérouler en fonction des actions des PJ. Deux fausses pistes sont ensuite incluses : Le fantôme de Buckley (4 pages), qui comme son nom l'indique met en scène un spectre ; et Rêve de Bunyip (18 pages), repris et adapté de Terror Australis, tout comme le chapitre australien en avait aussi été repris dans la troisième édition. C'est une enquête sur des meurtres horribles qui mêlent un monstre du Mythe et un dément sans grande relation avec l'univers cthulhien.

Le dernier épisode de la campagne, Le chapitre chinois (80 pages), débute par une présentation de la Chine des années 20 (24 pages), en pleine mutation entre colonialisme, partis nationalistes et communistes, et seigneurs de guerre. Pour des occidentaux, les sorties sont souvent ramenées aux maisons de thé, maisons closes, clubs, cercles de jeux et cabarets, dont de nombreux sont présentés. Les villes de Shangaï et Hong-Kong sont également brièvement décrites, de même que l'Ordre de la femme boursouflée (2 pages), le culte local. L'aventure (46 pages) permet aux investigateurs de retrouver le seul membre sain d'esprit de l'expédition Carlyle, et grâce à lui de trouver des alliés pour aller sauver une jeune innocente des griffes d'un des puissants sorciers du culte, et même de partir à l'assaut de l'île du dragon gris, dans laquelle des sbires du Grand Ancien construisent une fusée destinée à ouvrir un portail pour amener leur maître sur Terre. Il est en outre possible de s'allier à un représentant des occupants de la Chine, à savoir un officier japonais qui pourrait apporter un concours précieux. Une fausse piste, L'armoire à démon de monsieur Lung (5 pages), se base sur un quiproquo où un astrologue chinois prend les PJ pour des démons venus le chercher.

Le dernier livret (96 pages), après une page de titre, contient toutes les aides de jeu, classées par épisode de la campagne, qui apparaissent dans les autres livrets au fur et à mesure du texte.

Cette fiche a été rédigée le 1 mai 2012.  Dernière mise à jour le 25 février 2024.

Critiques

Ivryen  

J'ai évolué dans un monde où les Masques faisaient figure de campagne de référence. Les "Anciens" du club où je jouais en parlaient avec révérence, décrivant le plus souvent la façon dont leurs personnages mourraient. C'est donc un mythe que je me suis offert à l'occasion du dernier Noël.

Première déception, j'ouvre la boite: des livrets et une boite d’allumette et rien d'autre. Pas de cartes, pas de goodies quelconque. Rien qui justifie, selon moi, le format boite. Un livre aurait été un format plus adéquat.

La lecture des livrets m'a tout de suite transporté en revanche. Si j'ai détesté dans l'Introduction la partie "Manuel de Campagne" (j'ai rarement vu quelque chose d'aussi bourrin et inapproprié, et pourtant je suis un donjoneur depuis tellement longtemps que j'ai peur qu'on me dise un jour "Ta gueule, l'Ancien"), le livret d'introduction remplit très bien son rôle. C'est clair, bien présenté et on comprend à la lecture les enjeux de la campagne.

Les livres d'aventure furent également une lecture plaisante. On voit l'aventure se dessiner, on est pris en main avec ce qu'il faut de conseils pour pouvoir cuisiner à sa sauce. C'est très appréciable. Les lieux sont évocateurs: Harlem, Londres, Le Caire, Nairobi, Shanghai sont décrites juste ce qu'il faut pour être utilisées en jeu. Les aventures sont également bien écrites et offriront, j'en suis sûr, des moments mémorables car les scènes sont très bien décrites et très visuelles.

Reste un gros point noir: l'Australie. Certes le continent est bien décrit mais l'aventure est l'une des plus nulles que j'ai jamais lues. On sent, déjà, que la structure du scénario est moins solide. Alors que dans les autres livrets, on faisait facilement les liens entre les scènes, il me semble, que pour l'Australie, il faut un certain effort pour relier les différents éléments. Et le point central du scénario (je ne dévoilerais rien) est rébarbatif au possible. J'ai beau essayer, je ne parviens pas du tout à m'imaginer jouer cette partie. Pour moi, il n'y a presque rien à garder de la partie australienne et il faut imaginer autre chose.

Autre défaut, le livret d'annexe (qui contient les aides de jeu) n'est pas des plus utiles. Je ne comprend pas cette tendance actuelle aux arrières plans en couleurs qui sont simplement inphotocopiables. 

Au total, donc une campagne en effet excellente et qui paraît globalement assez facile à prendre en main mais qui n'est pas publiée au bon format et qui demandera beaucoup de boulot pour la partie australienne.

Critique écrite en janvier 2014.

Son of Humakt  

Pour la critique de ce monument qu’est la campagne des Masques, version Sans-Détour, je vais changer un peu la forme de mes critiques habituelles. Je pars du principe que j’ai acheté la campagne pour la jouer, et pas pour la faire rentrer dans ma collection d’ouvrages Cthulhu de Sans-Détours*. Ma critique reflète un point de vue utilitariste, pas un point de vue archiviste.

Pour vous donner le contexte de la lecture : j’ai fait jouer la campagne des Masques une fois, dans sa version Intégrale publiée chez Descartes. Pour la version Sans-Détours, je me suis juste contenté de la lire (pour l’instant). Mon avis ne reflète en rien un test en partie réelle, mais plutôt le ressenti que j’ai face au matériel, les situations de jeu qui me semblent découler de l’aventure telle qu’elle est présentée, et à la fin, la comparaison avec la version Descartes.

Première chose : c’est beau, très beau. La boîte évoque des aventures se déroulant sur le continent Africain, avec un côté un peu « pulp ». Le bel orange vif évoque bien la violence de la campagne et ses chapitres les plus exotiques.

A l’ouverture de la boîte, on se réjouit face à la masse de matériel. Celui-ci est réparti en  livrets : un livret pour chaque chapitre (NY, L, C, K, S, A), un livret pour les aides de jeu, un livret d’index et de résumé de l’intrigue, avec le blabla de la société Theron Marks**. Et une petite boîte d’allumettes***. Et c’est là que se situe mon premier reproche. Trop de livrets. C’est vrai que les joueurs ne passeront certainement pas d’un chapitre à l’autre en l’espace d’une séance de jeu. Mais pour le meneur de jeu, le suivi des informations d’un livret à l’autre rend la lecture beaucoup plus ardue.

Un premier feuilletage à travers les pages des livrets m’a favorablement impressionné. Les illustrations, qu'elles soient dessins ou photos d’époque, sont magnifiques, et permettent de rendre un peu de réalisme à cette campagne qui se déroule au début du 20ème siècle, période que peu d’entre nous ont connu. 

La lecture plus approfondie des livrets m’a laissé les impressions suivantes :

LES +

  • Les informations clés de la campagne sont présentées clairement. Chaque livret résume bien l’intrigue, les éléments clés et les indices qui peuvent être trouvés dans chaque pays/ville. Le texte est facile à lire, les caractères étant de bonne taille et le texte suffisamment aéré pour ne pas être étouffant.
  • Les éléments sont présentés de manière logique et des transitions ont été prévues entre chaque chapitre. Ajouté à cela, des scénarios/fausses pistes pour chaque partie viennent compléter la trame pour donner plus d’épaisseur à la campagne et égarer un peu des joueurs trop perspicaces.
  • Le double accès de chaque aide de jeu dans le corps de texte et dans le recueil d’aides de jeu, c’est bien.
  • La présentation et le contexte historico-géographique des régions où se déroule l’action, durant les années 20 est très utile et permet d’éviter de fastidieuses recherches dans des ouvrages d’époque.

LES -

  • Même si la modularité de la campagne est toujours présente, il y a toujours aussi peu d’outils d’aide à l‘improvisation ou à la création d’intrigues spécifiques aux personnages.
  • La campagne est, en effet, « clefs en main », mais parfois jusqu’à un niveau exagéré (une « route idéale » est proposé aux meneurs et aux joueurs pour avoir plus de chances de réussite). Elle perd à cause de cela deux avantages par rapport à son format précédent : l’adaptabilité, car avant chaque équipe de joueurs choisissait « sa » route ; l’obligation pour le meneur d’improviser et de travailler pour en faire « sa » campagne. En bref, une perte importante de personnalisation qui faisait une grande partie de son charme.

LES +/-

  • Revue à la baisse de la mortalité. Un bien pour un mal. Après avoir vu un joueur perdre 12 personnages au cours de l’intrigue, je ne peux qu’applaudir. De plus, l’élimination de possibilités de mourir trop absurdes (Tu ouvres le placard ? Tu meurs…) rend la campagne moins « cartoonesque ». Cependant, amoindrir le degré de létalité par peur de rebuter des joueurs ou pour attirer des débutants ne me semblait pas justifié. L’héroïsme pulp sait aussi accepter la mort.
  • Les informations plus développées que dans les précédentes éditions pour gérer les voyages, les transitions et les revenus seront utiles à tout meneur. Mais à mon sens, point trop n’en faut. Le Mythe n’est pas partout et des moments de répit hors champ avec du temps libre sont aussi précieux pour les joueurs et leurs personnages. De même, les idées pour introduire de nouveaux personnages dans l’intrigue sont bien utiles, mais pourront sembler téléphonées à partir du cinquième ou sixième décès. Les joueurs pourront aussi avoir tendance à les considérer comme un réservoir de ressources humaines un peu trop facilement sacrifiable, si la transition est amenée trop rapidement. Et les futures recrues pourront aussi se méfier de cette mystérieuse association de voyageurs internationaux dont les membres semblent décéder avec une si grande régularité.
  • L’index des lieux/personnages/objets. Il est, contrairement au reste de l’ouvrage écrit petit et dense, avec plein d’informations importantes partout, et dans le feu de l’action il sera impossible de les consulter. J’ai eu la sensation de me retrouver face à un bottin. Il est trop difficile à utiliser si j’ai besoin d’information en partie. Hors partie, je préférerai certainement me référer aux autres ouvrages, hormis pour une recherche très précise.

La comparaison avec son prédécesseur :

  • Plus d’informations et de matériel pour jouer (SD) VS ossature de campagne solide (D)
  • Multiplicité des ouvrages (SD) VS un seul livre (D)
  • Tout est prévu (SD) VS improvisation et adaptabilité (D)
  • Photos d’époque (SD) VS 15 ans d’illustrations (D)

*L’un comme l’autre sont possibles, mais ayant désir de la faire jouer, je me focaliserai plus sur cet aspect du matériel.

**La Société Theron Marks. Ceux qui ont pu tenir dans leurs mains le supplément  « la Terreur Venue des Étoiles » savent que la vraie terreur stellaire est dans ce texte. Sans trop caricaturer, celui-ci explique pas à pas que les investigateurs, pour survivre à tout scénario de l’Appel de Cthulhu qui se respecte, devront utiliser des explosifs, des fusils de chasse avec des cartouches du plus fort calibre, voire des armes automatiques. Et qu’un des investigateurs devra savoir lire le latin ou le grec pour pouvoir décoder la plupart des ouvrages du Mythe. Les conseils de jeu donnés dans ce recueil sont au mieux risibles, au pire inutiles et datent clairement. J’ai joué de cette façon dans mes premières parties de Cthulhu. Prolonger cela dans la remouture des Masques est une perte de temps (à la lecture) et de place.

***La boîte d’allumettes… C’est une aide de jeu. Si vous ne l’égarez pas après l’ouverture de la boîte, et si un de vos joueurs ne l’utilise pas pour allumer sa clope, vous êtes un veinard. C’est une très belle aide de jeu, « en 3D ». Toutefois, j’aurai aimé avoir un moyen de la créer moi-même (petit papier à photocopier et à coller sur une boîte d’allumettes standard ; boîte à créer en faisant une photocopie sur papier cartonné). Car la durée de vie de ce genre d’objet est souvent inversement proportionnelle à leur utilisation. Soit vous l’utilisez, en prenant le risque de l’abîmer ou de la perdre définitivement, soit vous ne l’utilisez pas, et par conséquent, quelle est l’utilité de fournir cet objet parmi des aides de jeu ?

Critique écrite en novembre 2014.

Nicolas 'Yoda Mister' Tauzin  

"Il y a ceux qui l'on vécue et les autres..."

JdR Mag

Cette campagne légendaire n'a pas volé sa réputation. Cependant, attention au travail de préparation qu'elle nécessite si l'on souhaite profiter de toutes les richesses qu'elle propose ; Le Gardien devra absorber une grande quantité d'informations s'il veut laisser à ses Joueurs toute latitude dans leurs actions.

Mais les voyages forment la jeunesse et nul doute qui si vos Joueurs parviennent à survivre à ce complot international, vous pourrez les considérer comme des Joueurs expérimentés !

Un petit joyau en somme, mais qui nécessite d'être taillé pour qu'il dévoile toute sa splendeur.

L’Intégrale de Descartes a l’avantage de proposer une version “synthétique” (certains diront parcellaire) quand la version Sans-Détour accompagne le Gardien dans toute son initiation. Mais il faudra pour cela absorber plusieurs centaines de pages.

Tout dépend donc de vous. Mais si le contexte a de l’importance à vos yeux, ou que vous souhaitez exploiter les avantages de cette campagne mythique, il n’y a qu’une voie...

 


Critique écrite en avril 2015.

kocho  

J'ai du mal à partager l'enthousiasme des autres commentateurs pour cette réécriture d'une campagne mythique. Ma note ne porte pas sur l'original, mais sur le produit fini proposé, que j'ai lu en détail avant de décider de ne pas l'utiliser pour faire rejouer les Masques à un groupe de jeu motivé par cette réédition.

Les Masques de Nyarlathotep est à l'origine une campagne de haute tenue, avec des enjeux clairs, une structure limpide, et où chacun peut trouver son compte de situations évocatrices qui rappellent que cette campagne fut produite dans a foulée du premier Indiana Jones et à une période particulièrement fertile dans l'imaginaire populaire récent (si l'on en croit le nombre de remake des années 80 que nous offre Hollywood), mais d'autres aspects peuvent sembler un peu datés au lecteur d'aujourd'hui : le jeu de rôle avait une douzaine d'année quand cette campagne a été rédigée, et par comparaison avec des projets récents, on sera frappé par le manque de possibilités d'interactions avec certains PNJ, un facteur qui empêche de les développer convenablement dans l'histoire (M'Weru, Huston, Carlyle ou Aubrey Penhew ont plein de zones d'ombre mais il y a peu de scènes pensées pour permettre que les joueurs aient des interactions significatives avec eux – soit on les affronte directement, soit la rencontre s'avère décevante, les PJ étant impuissants à changer leurs destins – particulièrement dans le cas de Carlyle ou d'Hypatia Masters).

Un autre aspect problématique sont les tunnels d'explications pour les joueurs (en particulier une scène cruciale avec Jack Brady, qui est extrêmement décevante). On peut encore regretter aussi une certaine inégalité d'intérêt et de ton dans la narration de certains chapitres (l'enquête un peu faiblarde à New York et sa vision qui paraît aujourd'hui disons… datée, de ses sectateurs africains fanatiques et dépersonnalisés). Il semblait donc difficile de passer à côté d'une réécriture pour cette réédition.  Logiquement, Sans Détour, dont la qualité générale de la gamme a dépassé toute les espérances, paraissait sur le bon chemin pour faire entrer cette campagne au XXIe siècle, avec l'ambition déclarée de la dépoussiérer et de l'améliorer de toutes les façons possibles. 

1. PRÉSENTATION ET ACCESSOIRES

L'ouverture de la boite est une excellente surprise, et la première impression est à mon avis pour beaucoup dans les avis positifs qu'on a pu voir çà et là. Une belle boite solide, des livrets de bon goût, avec de belles illustrations en couverture, de joli plans, des photos d'époque pour illustrer. Avis personnel sur ce dernier point : les photos d'époque, ça passe très bien pour les décors traversés et ça donne un cachet indéniable, mais pour les personnages, c'est plus inégal. On a parfois l'impression que certains d'entre eux sortent d'un mélodrame désuet du cinéma de l'époque – pas forcément, donc, l'impression visuelle qu'on veut donner aux joueurs pour une campagne d'horreur/aventure : elles sont donc à utiliser avec précaution, même si beaucoup d'entre elles sont très bien choisies.

Les Aides de Jeu sont présentées dans un livret bien plus épais que dans l'original. Des ajouts ont été faits, et, si la présentation est améliorée dans certains cas, certains choix éditoriaux font l'effet d'un retour en arrière. Dans la campagne originale les coupures de journaux étaient présentées en recto-verso, ce qui permettait pour les barbares (dont j'étais à l'époque) de les découper afin de les donner au joueur  avec un côté fac-simile. Evidemment les aides de jeu de la nouvelle boite ne sont pas pensées pour ça. On devra recourir soit à la photocopie (c'est cher), soit à l'impression du pdf qu'on peut trouver sur le site (très bonne initiative). Malheureusement, le pdf en question est une copie conforme du livre de base : pas de couleur (même quand ce serait logique et pas tellement plus onéreux pour l'éditeur) et toujours pas de verso aux aide de jeu. 

Donc si vous aimez les aides de jeu détaillées, il faut les faire vous même. j'ajoute que l'existence du pdf rend pour moi l'édition des Aides de Jeu dans un livret à part à peu près inutile, d'autant que les Aides de Jeu sont pour la plupart dans le corps du texte, et que celles qui manquent auraient pu aisément être ajoutées elles aussi. Puisqu'on ne peut pas découper le livret (hérésie !) pour donner les AdJ au joueurs, il me semble qu'on aurait pu gagner sur le prix ou utiliser l'argent à améliorer d'autres aspects… Les auteurs semblent d'ailleurs conscients du fait que les Aides de Jeu ne sont pas au niveau, puisqu'ils conseillent carrément… de les faire soi même pour qu'elles soient "aussi réelles que possible".

Une aide de jeu que j'attendais particulièrement, c'est la célèbre pochette d'allumettes. Vu son importance historique dans l'histoire du JdR, ça semblait une bonne occasion de la part de l'éditeur de marquer son ambition… Et c'est raté : elle est moche et son design anachronique, est une énorme déception.  J'aurais encore préféré une boite à monter soi-même, mais qui ressemble un peu plus au genre de boites d'allumettes des années 20 qu'on pouvait trouver à Shanghai   (dont tout le monde peut avoir des exemples en faisant une simple recherche internet) et ça n'aurait pas été tellement plus onéreux (juste ça demande un peu de boulot de recherche, mais vu que l'accessoire sera vraisemblablement présent sur la table de jeu pendant toute la campagne, lui donner une saveur d'époque n'est pas un simple luxe, mais une façon d'améliorer la narration avec un accessoire proche du réel qui nous transporte à une autre époque). Seule solution, donc, la faire soi même – quel dommage…

Les cartes en fac similé ainsi que les photos sont réservées à la version collector (et, question design, ne sont pas tellement plus convaincantes que celles des années 80). Une petite différence avec la boite originale où deux cartes pouvaient être découpées dans du carton fort. Là aussi, je trouve ça regrettable de ne pas l'avoir proposé pour tout le monde…

L'absence de carte est encore une déception. Terror Australis qui abritait le chapître Australien de la campagne avait une jolie carte d'époque ; on aurait aimé qu'elle soit reproduite ici, avec peut-être une carte équivalente correspondant à chaque chapitre. C'eût été préférable à la version imprimée des Aides de Jeu, et ça aurait mieux justifié l'édition sous forme de boite comme le souligne un autre commentateur.

Pour les chapitres, le fait d'avoir deux parties : une partie pour présenter le contexte (détails historiques sur les lieux visités, sectes impliquées dans le scénario) et le scénario lui même ne paraît pas le choix le plus ergonomique. Se balader sans arrêt au sein d'un même ouvrage en allant d'avant en arrière est vite pénible. Pourquoi ne pas avoir rassemblé toutes les présentations historiques sur un ou deux livrets (une sorte de "Compagnon des Masques", comme celui qui a été proposé sur kickstarter en anglais, du coup) ? Ça oblige certes à avoir deux livres ouverts sur la table de jeu mais ce serait plus facile à gérer pour aller de l'un à l'autre que de passer son temps à fouiller dans le même ouvrage, d'autant que certains personnages essentiels à la narration comme Mammudh dans le chapitre du Caire sont présentés dans la partie contexte (et dans les marges, en plus), ce qui peut mener à les considérés comme optionnels, voire à les oublier (le personnage n'a l'air de rien comme ça, mais tous les vétérans de la campagne qui l'ont rencontré s'en souviennent comme étant le cœur de ce scénario – voire dans certains cas, de la campagne tout entière)…

Globalement, on peut conclure sur ce point que la présentation en jette, mais que l'ergonomie et le soucis du détail s'avèrent plus que décevants. Cela étant dit, la présentation est secondaire, ce qui compte pour juger une campagne c'est le texte, et ici comment ne pas être excité à l'idée de renouer avec une campagne améliorée, repensée, et certainement écrite par des gens aussi talentueux que Larry DiTillo et Lynn Willis, le duo d'origine ?


2. LE LIVRE D'INTRODUCTION

 

Le Livret d'introduction est la grande nouveauté. Il a été presque entièrement écrit pour cette édition, dans le but de fournir des aides pour mieux gérer la campagne, et est donc au cœur du projet éditorial avec ses 86 pages (contre 4 pour la version originale).

Dès les premières pages de l'introduction, il y a un malaise : après une présentation de l'antagoniste (Nyarlathotep, pour ceux qui suivent) on arrive sur une page de présentation générale où nous explique que la campagne d'origine n'était pas terrible et que la nouvelle version va offrir des scènes passionantes – vous pouvez vérifier, il faut le lire pour le croire. Et évidemment, il est fortement conseillé par l'auteur de cette introduction de ne pas relire l'ancienne version et d'oublier les années 80. On se frotte les yeux : on se demande si cette attitude qui consiste à purement effacer les auteurs originaux de la campagne et à piétiner leur travail, sans le moindre respect, est une sorte de second degré, mais non… celui qui a pondu ça semble vraiment croire que son "remake" va faire oublier l'original… et en général, pour un remake, ça augure mal.

Mais après tout, peut-être est-ce juste un excès de confiance, une maladresse lié à la fierté du travail bien fait… on a envie de laisser sa chance - les auteurs sont peut-être des génies méconnus un peu excentriques, qui ont des poussées d'égo délirante. Admettons… Comme la campagne a coûté cher (surtout si on l'a en collector), on essaye de se rassurer, on respire un grand coup, et on poursuit la lecture. 

La suite du texte abandonne quelque peu ce ton assez insupportable pour entrer dans le vif du sujet et présenter la campagne dans son ensemble. Cette partie offre des conseil procéduraux aux Gardiens : comment gérer la chronologie, les échecs, la mort d'un ou plusieurs investigateurs, comment les introduire et bien d'autres choses. Malheureusement le tout est organisé d'une façon franchement incompréhensible. Qu'on m'explique la logique qui nous fait passer de la description (succinte) des moyens possibles de poursuivre la campagne une fois finie en listant les conséquences pour certains PNJ, à une chronologie historique de l'année 1925 (qui aurait eu plus sa place dans une marge), à une partie sur la meilleure façon impliquer des investigateurs au début de la campagne, le tout sans transition, à part des titres qui ne sautent pas aux yeux (et seront donc difficiles à retrouver si besoin est, dans le stress de la partie ou de la préparation, sans feuilleter tout le livret). 

De plus, l'introduction n'aborde jamais la campagne du point de vue thématique. En JdR, on peut toujours raconter une histoire compliquée avec des personnages dans l'ombre qui ont des buts ésotériques, mais il est absolument nécessaire d'en dégager une unité de sens (en narration, ça s'appelle le prémisse) ou encore de donner une méthode de narration. La plupart des scénaristes récents de Jeux de Rôle accordant une importance à la narration ne manquent pas de synthétiser de quoi parle la campagne ou le scénario acheté (les scénarios White Wolf proposent ça depuis longtemps, mais ça se retrouve dans des jeux divers, L5R, Esteren, et même Cthulhu) ce qui aide à trouver une cohérence dans la masse d'information et à comprendre l'intention de l'auteur, ce qui encourage à improviser et à adapter si on ne partage pas son intérêt pour cette thématique. Une telle absence pour une campagne aussi intimidante que Les Masques de Nyarlathotep est en complète contradiction avec l'affirmation réitérée que la campagne peut être maîtrisée par des débutants.

Les conseils vont du parfaitement inutile (lire la campagne, demander conseil si on y arrive pas !), au banal (relire la campagne, mélanger données réelles et inventées), à l'incompréhensible (certaines lignes ont sauté, et l'errata proposé sur le site de Sans-Détour n'y pallie pas). Il semble cependant évident que l'auteur tient à nous faire savoir qu'on peut aller sur son site (donné deux fois en dix lignes de texte plus une fois dans la marge) si on veut s'en sortir. Vu le cycle de vie d'un site de JdR, ça semble un peu cavalier… Et je ne parle que des conseils de base. Certains conseils sont génériques, et seraient valable pour toutes les campagnes (lister les pistes avant une coupure de plusieurs mois dans la campagne) mais pourquoi pas, dans un soucis d'exhaustivité. Sauf qu'on se demande souvent à quel public s'adresse la campagne. La majorité des Gardiens motivés par les Masques seront parfaitement capables de se passer de tels conseils, et les débutants seront vite perdus dans le chaos ambiant (et rampant)… 

Quant aux moyens d'impliquer les investigateurs dans l'histoire, ils sont purement mécaniques et oublient quelques évidences : par exemple, expliquer comment créer avec les joueurs des personnages dont les buts, la personnalité et le passé sont émotionnellement liés à l'histoire racontée. Proposer de jouer un journaliste ou un universitaire envoyé professionnellement sur la piste de l'expédition Carlyle n'est pas exactement un conseil révolutionnaire, d'autant qu'aujourd'hui, on a quand même intégré les leçons du scénario et on sait que les meilleurs protagonistes sont ceux qui sont motivés par des forces puissantes – rédemption, deuil, démons intérieurs, mais cette dimension humaine permettant d'intégrer les investigateurs est totalement passée sous silence. Ici on reste sur du pur procédural qui possède un côté "série télé des années 70". Dommage parce que développer cet aspect aurait hissé la proposition de départ au niveau des meilleures campagnes récentes. Etait-ce si compliqué d'expliquer par exemple que, pour constituer une équipe de PJ impliquée, une idée forte serait de constituer un miroir déformé de l'expédition Carlyle, afin que chaque personnage puisse rencontrer sa nemesis ?

La présentation développée de chacun des membres de l'expédition Carlyle paraît à première vue la partie de cette introduction la plus fonctionnelle pour la maîtrise de la campagne, malheureusement, le reste des scénarios n'utilise pas les éléments ajoutés qui semblent donc au final assez inutiles ; tout juste peuvent-ils servir à calmer la curiosité des joueurs qui enquêtent à New York en leur jetant un os à ronger. La psychologie des PNJ en question n'est d'ailleurs pas rendue plus fascinante ou complexe qu'avant : par exemple nous n'y trouverons pas l'origine de la mégalomanie d'Aubrey Penhew, ou de l'obsession du docteur Huston, ce qui est quand même la base d'une bonne "backstory". Ils sont fous parce qu'ils servent Nyarlathotep, point. Allez, circulez!

En annexe de ce livret on trouve : une accumulation de détails procéduraux sur les voyages, des conseils épars qui semblent égarés au milieu du texte (ne pas oublier son imper à Londres), des listes de noms (pour ceux qui n'ont pas internet), des suites interminables d'expressions autochtones (qui semblent impossible à retrouver au cours d'un dialogue naturel improvisé, à moins de les apprendre par cœur) une présentation exhaustive des inspirations (plus décourageante qu'autre chose et absolument pas qualifiée en fonction de l'ambiance ou du style qui permettrait aider le Gardien débutant à prendre des décisions éclairées sur les lectures qu'il veut entreprendre)… et pire que tout : le Manuel de Theron Marks, qui n'a aucune place dans cette campagne et qui est un témoignage malheureux d'une façon de jouer démodée et nuisible. Un truc qui manque et qui aurait été utile, ce seraient des techniques pour simuler en français les accents étrangers au cours de la campagne… ici on apprend à imiter l'accent Australien… mais seulement en Anglais !

Au final, cette introduction laisse une impression désagréable de remplissage, d'absence de vision globale et de complexité inutile. 

3. LA CAMPAGNE

Les autres livrets reprennent la campagne d'origine avec des ajouts et un contexte développé. Malheureusement l'introduction était emblématique du désastre à venir. Pour faire un bon remake ou une bonne suite, il faut deux choses à mon humble avis : une vision personnelle, et un respect pour le travail accompli dans l'original. Ce remake des Masques échoue sur les deux plans.

Peu à peu on ressent le même sentiment de naufrage (un mélange d'incrédulité et de stupeur face à l'ampleur du désastre) que lorsqu'on est allé voir Indiana Jones et le Crâne de Crystal : quelque chose d'innommable a été fait à une symbole de l'aventure des années 80. Ce n'est pas que la campagne est défigurée, on la reconnaît bien et c'est parfois agréable de retrouver le sens d'évocation de Larry Ditillo lors de scènes imprimées dans la mémoire de ceux qui les ont jouées, mais le plus souvent la réécriture ressemble à un travail d'amateurs, et pas dans le bon sens… Un équivalent en peinture ce serait ça. Parce que oui, la fluidité de lecture, le fait d'aller droit au but dans une campagne, et d'éviter de l'alourdir avec des conseils génériques, ça compte. C'est ce qui évite au MJ les recherches pénibles dans les livrets, de devoir les alourdir d'annotations dans tous les sens, et aux joueurs de passer la moitié des séances à écouter un MJ qui enchaine les descriptions et les éléments d'ambiance ou d'enquête sans penser à raconter à chaque scène une histoire qui implique leurs PJs.

La plupart des "scènes passionnantes" ajoutée à la campagne ne s'avèrent en fait que des fausses pistes ou des alternatives peu convaincantes, qui viennent se greffer artificiellement (ce qui était déjà le cas de certains chapitres rajoutés dans a version précédente), et n'ajoutent au final rien d'autre que des "side quests" ou des éléments superflus à une aventure épique qui se trouve ainsi en danger critique de s'effondrer sur elle-même, encombrée par le poids de ces lourdes constructions étrangères.

Le travail des auteurs originaux n'est pas mis en valeur, avec des ruptures de ton et de style qui distraient de l'essentiel lors de la lecture. Par exemple, dans un texte situé juste après le climax du scénario en Egypte, la scène originale qu'on vient de nous présenter en détail est traitée de "fin de film de série Z" et l'auteur nous explique sur deux paragraphes qu'à moins d'être un excellent MJ son conseil est de… ne pas la jouer. Un conseil totalement inutile, donc, et limite condescendant envers les MJ débutants. Mais surtout, si la scène posait un si gros problème aux auteurs, pourquoi l'avoir laissé telle quelle dans le texte ? A la limite, il était possible d'intégrer une nouvelle option au texte de la scène, ou dans la marge pour ne pas empêcher une progression logique et laisser au lecteur la possibilité d'une vue d'ensemble, sans pour autant dénigrer de façon assez puérile une scène qui a sa place dans la structure.  

A force de rechercher la crédibilité à tout prix, les auteurs perdent de vue une qualité primordiale pour une campagne d'aventure (et pourtant, ils ne se privent pas de faire des références à Indiana Jones) : son énergie. Hitchcock expliquait déjà que la vraisemblance est la mort du suspense et donc de la narration. Bien sûr qu'une rencontre avec le Dieu Noir sous une pyramide peut se retrouver dans un film de série Z, mais si on y regarde de plus près, ce n'est pas moins le cas pour les sacrifices d'Indiana Jones et le Temple Maudit ou le vieux chevalier immortel de La Dernière Croisade, en revanche le traitement – que ce soit par la structure du scénario ou la mise en scène – transforme de possibles clichés en scènes classiques du genre. Rencontrer son principal adversaire, discuter avec lui, ressentir son mépris, et survivre à la confrontation au milieu de l'histoire est loin d'être absurde en tant que dispositif de narration. Sans cela, la menace qui plane au dessus des investigateurs n'est jamais personnelle. 

 

Le pire c'est que rien n'a été fait pour pallier les aspects les plus datés ou les moins développés de la narration originale (certaines enquêtes poussives, le long tunnel d'explication de Jack Brady, la rencontre décevante avec Carlyle à Hong Kong, le rôle caricatural de M'Weru, pourtant au départ un personnage fascinant sur le papier, l'absence de confrontation préalable au climax avec Aubrey Penhew). A la limite, si on voulait faire une campagne aussi fournie, autant y aller, autant proposer de nouveaux dilemmes moraux, se consentrer pour mettre les investigateurs devant des choix cornéliens, ajouter plus de moments évocateurs, et affiner ou s'approprier les thèmes sous-jacents.

Un scénario bien écrit permet théoriquement à chaque MJ de s'approprier l'histoire et de lui donner une forme intéressante qui corresponde à ses envies et à celle de ses joueurs. Les Masques avaient autrefois cette qualité, mais l'équipe de réécriture n'a pas su comment améliorer la charge émotionnelle de la campagne et s'est donc concentré sur le factuel et le procédural, listant les pistes de façon exhaustive dans des tableaux impersonnels mais oubliant tout à fait l'émotion. Leur choix donne l'impression que maîtriser cette campagne consiste à lancer les PJ sur des longues enquêtes avec des pistes multiples, donner des détails historiques précis, et d'entrecouper le tout avec des scènes d'action. Leur idée de la modernité narrative semble se réduire à offrir aux PJ la possibilité de prendre des décisions vide de sens (aller à droite plutôt qu'à gauche, finir par l'Afrique plutôt que la Chine, pourquoi pas, mais ce n'est pas ça qui diminuera la frustration d'être mené par le bout du nez si le MJ aime le railroading, puisqu'il s'agit de décisions qui ne sont pas spécialement éclairées au moment où les investigateurs les prendront). Tout cela témoigne d'une vision naïve et déjà dépassée de l'écriture de scénarios pour le JdR. 

La difficulté pour le Gardien de la campagne originale venait du fait qu'elle proposait des directions générales mais jamais de solution préétablie, cependant c'était aussi un gage de liberté pour lui. Ici, c'est remplacé par des options précises et une accumulation de détails qui prétendent rendre les choses plus faciles, mais brident la créativité du MJ, et accentuent pour lui la difficulté d'insuffler une vision, un cœur battant, à cette histoire, à l'origine pourtant riche en évocation, d'une expédition perdue dans le tourbillon d'une folie destructrice provoquée par un Dieu aux multiples visages.


CONCLUSION

Quand on a la prétention de s'attaquer à un monument, et qu'on se vante en introduction de l'améliorer au point de faire oublier l'original, on a intérêt à offrir un travail irréprochable. Avec plus d'humilité de la part des auteurs, j'aurais peut-être eu un jugement moins sévère, mais là, l'entreprise est détestable et honteuse, tant le résultat final est à des années lumières des rodomontades de l'introduction. 

Du coup, qu'est-ce qui est à reprendre dans le remake de cette campagne ? En ce qui me concerne, rien de plus qu'une boite solide, quelques photos et informations éparses sur les pays traversés qui m'éviteront une recherche internet si je la rejoue (même si le futur Mask Of Nyarlathtep Companion, la lecture de terror Australis des Secrets de New York ou du Kenya et quelques recherches personnelles auraient fait l'affaire aussi bien), une aide de jeu sur la Chine Lovecraftienne, seul pays qui n'a pas eu son supplément, une sacoche pratique (oui j'ai pris la collector) et une jolie affiche qui tape la classe si je veux jouer la campagne originale (il y a deux tirage photos en aides de jeu, mais leur rendu glossy et le papier choisi ne sont juste pas adéquats quand on sait ce qu'il est possible de faire aujourd'hui en fac similé). Ah oui, et le scénario de l'écran par Tristan Lhomme qui, à la différence de certaines nouvelles fausses pistes rajoutées (et pour certaines, aussi excitantes à lire qu'une page de l'annuaire), comble un vide dans la campagne, en offrant une histoire compatible avec son esprit original d'aventure exotique…

Quant aux bouquins, je les ai enlevés pour mettre à la place les livrets d'époques (car ma boite originale est aujourd'hui très abimée, et de toutes façons, je n'ai jamais aimé l'illustration d'origine), du coup, vu la place qui reste, ça me laisse la possibilité d'ajouter quelques jolies aides de jeu faites artisanalement. 

J'espère que Chaosium ne s'inspirera pas de cette occasion manquée pour leur nouvelle édition de la campagne (contrairement à ce qui a été suggéré à Mike Mason dans une interview récente à Casus Belli) et que Sans Détour traduira alors une nouvelle version plus respectueuse et plus professionnelle dans sa rédaction, en espérant que ce remake laborieux, et condescendant soit vite oublié – malheureusement la spéculation sur ebay, la réputation de qualité par ailleurs largement méritée de Sans Détour, et la difficulté de trouver l'original, fera qu'on risque de confondre longtemps ce patchwork rédactionnel avec la campagne séminale dont elle a pris le nom et qui aurait mérité une réécriture qui sache mettre mieux en valeur ses qualités pour une nouvelle génération de joueurs.

Critique écrite en juillet 2015.

Mithras  

Arrivé à mi-parcours de cette campagne en tant que joueur, je suis moi aussi parmi les déçus. Il s'agit d'un dinosaure du JDR et cela se sent. Peut-être qu'à l'époque, la campagne passait pour être pleine d'idées originales, mais de nos jours elle baigne dans le stéréotype et le cliché. Il suffit de descendre dans la cave d'un PNJ pour trouver un autel ou un rituel en cours. Dès le premier scénario, on se retrouve confronté à des zombies, et ce n'est que le début. Où est l'ambiance ? Où est l'escalade de l'horreur ? 

Pourtant sur le papier, elle a tout pour plaire, avec une vaste "conspiration" et la promesse de nombreux voyages exotiques. Mais la trame scénaristique est tellement faible et linéaire qu'on passe à côté de tout le charme de la découverte.  

Critique écrite en février 2017.

 

Bas les Masques !

En matière de jeu de rôle, il est des campagnes qui ont marqué l’histoire. Les forums se divisent sur les noms à retenir, aussi, on ne va pas vous faire l’affront de vous proposer les nôtres. Mais l’un de ceux qui reviennent le plus souvent, c’est celui des Masques de Nyarlathotep pour l’Appel de Cthulhu. D’une incroyable richesse, ce monument avait pourtant la réputation d’avoir rendu fous non pas des milliers d’investigateurs (ça, c’est plutôt monnaie courante dans l’AdC), mais des milliers de gardiens des arcanes, ce qui est plus rare.

Jusqu’à il y a peu, les scénarios et campagnes pour ce vénérable ancien partageaient ce joyeux mélange de bonnes idées, d’ambiances fantastiques, de rencontres mémorables et de maux de têtes à n’en plus finir. Scénarios incomplets, aides de jeu insuffisantes ou inappropriées, lacunes dans le déroulement de l’histoire, difficulté d’imbriquer les scénarios les uns dans les autres ou d’introduire de nouveaux personnages, impossibilité de terminer l’histoire en raison des chances de succès infinitésimales dès la moitié de la campagne… On ne compte plus les courageux explorateurs de l’étrange morts au champ de bataille en ayant tenté de jouer ou de maîtriser les Masques.

Une boîte à l’ancienne

Dès lors, la réédition de cette aventure mythique ne pouvait que susciter les espoirs. Les éditions Sans Détour ont pour l’occasion abandonné leur format habituel de gros livres à couvertures rigides et à dos ronds. On appréciera ou pas pour les esthètes qui jugent d’abord de l’apport d’un livre à la place qu’il occupe dans leur bibliothèque, mais le côté pratique de la nouvelle formule sautera tout de suite aux yeux. C’est donc à une boîte que nous avons à faire, comme à la belle époque du jeu de rôle. À l’intérieur, pas moins de huit livrets à couverture souple vous attendent, ainsi qu’une boîte d’allumettes.

On ne va pas vous gâcher le plaisir de l’intrigue, mais sachez simplement que dans les Masques, tout commence par un meurtre mettant les personnages sur les traces d’une expédition portée disparue au Kenya, la fameuse expédition Carlyle. Exotisme et sueurs froides seront donc au rendez-vous. Le premier livret vous présente le culte de Nyarlathotep dans ses moindres détails et comporte toute une série de conseils (dont auraient sans doute eu grand besoin des meneurs de jeu de la précédente édition) pour maîtriser le tout, gérer les transports, les frais des personnages, choisir un ton approprié à la campagne, ainsi qu’un guide publié autrefois dans La Terreur venue des Étoiles et adressé aux investigateurs en général. Ce premier livret servira aussi d’index pour les lieux, les personnages et les objets de la campagne.

Les autres livrets, du deuxième au septième en tout cas, sont consacrés chacun à un épisode géographique de la campagne. Pour vous donner une idée de l’ampleur de ce qui attend vos chers investigateurs, sachez qu’ils passeront par les États-Unis (et en particulier New York), l’Angleterre (Londres), l’Égypte (Alexandrie, Port-Saïd et Le Caire), le Kenya (Mombasa, Nairobi), l’Australie (nous y reviendrons) et enfin la Chine. En ce qui concerne l’Australie, ce lieu ne faisait pas partie de la version originale de la campagne, mais il fit son apparition ultérieurement et se retrouve donc tout naturellement dans cette nouvelle édition. À chaque fois, les ouvrages présentent d’abord avec force détails les lieux visités avant d’enchaîner les scénarios et les conseils. Le dernier livret, le huitième, regroupe toutes les aides de jeu, ce qui vous aidera à préserver la reliure des autres livres pour le toujours délicat passage à la photocopieuse ou au scanner.

 

Une vision claire

Désormais, grâce aux conseils généralement précieux des auteurs, la campagne semble enfin jouable, même si elle ne s’adresse clairement pas aux meneurs débutants. On y trouve tous les éléments qui font la légende du jeu de rôle tiré des œuvres de Lovecraft : des enquêtes urbaines, des meurtres inexpliqués, des disparitions exotiques, des cultes anciens, des cités oubliées, des sectes assassines, des dieux terrifiants et des ennemis hauts en couleur, le tout sous différentes latitudes, de la nuit froide de Harlem au désert australien en passant par les ruelles enfumées de Shanghai, les brumes londoniennes, les montagnes forestières du Kenya, les sables égyptiens et bien d’autres encore ! Jouer ou faire jouer une telle campagne, c’est un peu comme prendre des vacances autour du monde…

Comme à leur habitude, les éditions Sans Détour n’ont pas lésiné sur la qualité. Illustrations magnifiques, mise en page soignée, aides de jeu nombreuses et précieuses, il y a dans cette boîte de quoi tenir vos joueurs en haleine pendant des mois et des mois. Quelle attitude adopter si vous possédez déjà l’ancienne édition ? Les scénarios n’ont pas fondamentalement changé. L’intrigue, quoique légèrement enrichie, reste la même. Mais la présentation, les conseils de mise en place, les aides de jeu, certains ajouts historiques, font de cette nouvelle mouture une campagne résolument différente, qu’il sera malgré tout difficile de faire rejouer aux mêmes joueurs, même des années plus tard. Mais si vous vous adressez à un nouveau public, alors, préférez cette dernière édition.

 

Critique de Genséric Delpâture publiée dans le Maraudeur n°7

 

Critique écrite en décembre 2012.

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